Description
Shaheen H. ElSharif est un professeur et éducateur soudanais, travaillant pour l’autonomisation des jeunes. Ce défenseur des droits de l’Homme s’investit particulièrement pour promouvoir l’accès à la démocratie. Il se consacre au développement des communautés dans les zones de conflit, notamment dans des organismes civiques (Association nationale pour la liberté religieuse, Future Makers Sudan, Comités de Résistance de Khartoum). Durant la révolution de 2018 au Soudan, Shaheen était coordinateur au sein du mouvement de jeunes pro-démocratie. Il est ensuite élu en tant que coordinateur municipal du district du centre de Khartoum avant d’être emprisonné après le coup d’Etat militaire en 2021. En tant que co-fondateur et directeur de l’ONG Youth In Action – Sudan, il met en place un plaidoyer international pour les mouvements démocratiques dirigés par les jeunes, facilite la localisation des compétences essentielles au sein des communautés et encourage la participation des jeunes dans les processus décisionnels.
Interview Shaheen EL SHARIF HISHAM – 23 juillet 2024
Pourriez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Shaheen Hisham Al-Sharif, j’ai 28 ans et je suis professeur de communication et d’informatique au Soudan. J’ai fait partie du Comité de Résistance Soudanais pendant la Révolution de décembre 2019, où j’ai occupé un rôle important parmi les jeunes leaders. J’ai également été coordinateur pour le district central de Khartoum et sa municipalité. Très engagé dans le travail communautaire, je suis passionné par le Soudan, sa culture et son peuple, ce qui m’a conduit à parcourir tout le pays.
Pouvez-vous décrire votre engagement en tant que Défenseur des droits ?
J’ai co-fondé l’organisation Youth in Action Soudan qui vise à soutenir le mouvement des jeunes générations initié lors de la Révolution et veiller à ce que leur opinion soit entendue et prise en compte par le gouvernement. Nous avons travaillé à renforcer les capacités et la structure de ce mouvement, pour qu’il influence les politiques gouvernementales et prenne une ampleur internationale. Ensuite, j’ai poursuivi mon travail dans toutes les régions du Soudan, de l’est à Port-Soudan jusqu’aux Montagnes Noba, isolées en raison de nombreux mouvements rebelles, en passant par le Darfour et le nord du Soudan. Durant ce périple, j’ai été témoin des atrocités perpétrées par le gouvernement : massacres, menaces, répression, etc.
Je me suis ensuite engagé dans la politique, en particulier avec le mouvement pro-démocratie et en soutien au gouvernement de Abdallah Hamdok. J’ai notamment travaillé pour des campagnes de la FFC (Forces de la liberté et du changement). Après le coup d’État du 25 octobre 2021, j’ai participé à l’organisation des mobilisations du 30 octobre.
Depuis, j’ai dirigé Youth in Action Soudan jusqu’à ce que j’intègre la promotion 2024 de l’Initiative Marianne.
Pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour les droits humains ?
Je suis originaire de Khartoum, la capitale du Soudan. C’est probablement l’endroit le plus privilégié du pays, même si la vie n’y est pas facile pour autant. Élevé par une mère célibataire, j’ai rapidement pris conscience des injustices que notre système infligeait aux familles et en particulier aux femmes, ne correspondant pas aux normes islamiques. Les veuves de ma famille ont subi de nombreuses arrestations. Lorsque la Révolution a éclaté, j’ai compris que les injustices que nous vivions étaient généralisées et qu’en s’unissant, le peuple avait le pouvoir de transformer la société. Depuis, je me suis engagé à combattre ces injustices partout où cela est nécessaire.
L’un des objectifs de Youth in Action Soudan était précisément de créer un espace pour ceux qui souhaitent s’engager dans la lutte mais manquent de soutien. Cette organisation n’est donc pas seulement un réseau de ressources, mais également un lieu où chacun peut retrouver espoir en se joignant à des personnes partageant la conviction qu’un changement est possible.
Comment l’Initiative Marianne vous a-t-elle aidé à consolider votre projet ?
Selon moi, ce que l’Initiative Marianne offre de plus important, c’est la reconnaissance.
C’est essentiel pour quelconque mouvement de savoir qu’il est entendu, soutenu et légitime. L’Initiative m’a offert une plateforme pour partager ces histoires, non seulement mon histoire personnelle mais celles de centaines de milliers de jeunes soudanais qui aspirent au changement depuis 2019.
Le programme a également permis à Youth in Action Soudan d’accéder au niveau supérieur et de devenir une organisation structurellement efficace. Les rencontres avec les différentes ONG, institutions et universitaires nous ont offert l’opportunité de renforcer nos capacités et de gagner en compétences et connaissances.
Enfin, être en France m’a permis d’être en sécurité car il n’était plus possible pour moi de travailler au Soudan. Comment voulez-vous aider les autres si on ne peut même plus subvenir à ses propres besoins ?
Maintenant que le programme est terminé, quels sont vos projets ?
Je suis actuellement en procédure de demande d’asile en France, pays des droits de l’Homme, ce qui me permet de poursuivre mon travail en toute sécurité pour le Soudan, tout en mettant à profit les connaissances acquises grâce à l’Initiative Marianne.
Pour passer à l’étape suivante, notre organisation a pris une tournure plus politique. Nous sommes plus impliqués dans les efforts de paix, assistant autant que possible à différentes initiatives, notamment en Europe dans des négociations à petite échelle et des négociations d’aide humanitaire. Nous espérons que ce travail finira par aboutir à un accord de paix.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Je souhaiterais ajouter que l’Initiative Marianne représente une grande opportunité pour donner de la visibilité aux causes défendues par les défenseurs des droits. Ce n’est pas un programme de reconnaissance personnelle et la participation de chacun peut aider des milliers de personnes. J’espère que chacun des prochains participants en tirera pleinement parti et je leur souhaite bonne chance dans leur parcours.
#KeepEyesOnSudan
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