Description
Enrica Duncan est une militante féministe intersectionnelle originaire du Brésil. Elle est politologue et membre du programme de résolution des conflits, développement et paix à l’Université pour la Paix des Nations Unies. Son combat pour les droits de l’homme a débuté par un engagement civique au sein du projet local Meu Rio, avant de s’engager au sein de l’organisation féministe NOSSAS. Depuis 2018, elle se consacre à la promotion des droits des femmes, et particulièrement à l’accompagnement des survivantes de violences basées sur le genre. Elle co-fonde Mapa do Acolhimento en 2017, une organisation recrutant et formant des psychologues et avocats pour offrir un soutien pro bono aux survivantes de violences basées sur le genre.
« L’accès à la santé mentale et à la justice évite la perpétuation de la violence à l’égard des femmes. »
Interview de Enrica Duncan – 5 mars 2024
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis Enrica Duncan, une militante féministe intersectionnelle du Brésil. [nb : le féminisme intersectionnel défend l’égalité des sexes et la justice sociale. Elle reconnaît les différents systèmes d’oppression basés sur les caractéristiques de l’identité sociale (race, classe, identité de genre, orientation sexuelle, capacités, religion, etc.).] Les mouvements protestataires brésiliens de 2013 m’ont convaincue de l’importance de la participation civile et sociale pour la société brésilienne. C’est pourquoi en 2014, j’ai débuté mon engagement civique au sein du projet local Meu Rio. J’ai par la suite rejoint l’organisation féministe NOSSAS et, en 2018, je me suis engagée aux côtés du mouvement féministe et plus spécifiquement à l’accompagnement des survivantes de violences basées sur le genre au Brésil. J’ai eu l’opportunité de vivre à l’étranger, ce qui m’a permis d’acquérir une vision globale des enjeux liés aux droits des femmes.
Pouvez-vous décrire votre engagement en tant que défenseuse des droits de l’homme ?
Mon engagement s’articule autour de deux perspectives :
– La première est que les solutions apportées doivent impérativement être collectives. En tant qu’organisation, nous ne sommes qu’un pion d’un jeu qui nous dépasse et dans lequel il est important d’être soutenu.
– La seconde perspective est que, pour changer le système existant, il est nécessaire de changer les structures gouvernementales. Au Brésil, il existe beaucoup d’institutions de santé, mais aucune spécifique aux survivantes de violences basées sur le genre.
Ainsi, en tant qu’organisation, nous mettons en œuvre des solutions palliant les manquements étatiques, mais cela n’est possible que grâce à une collaboration entre structures. Pour que ce sur quoi nous travaillons perdure dans le temps, il est nécessaire d’établir des connexions entre les acteurs brésiliens.
Depuis 2017, nous avons créé Mapa do Acolhimento, une organisation dédiée aux femmes. L’idée était d’avoir une structure spécifique afin d’agir sur un public cible. Mapa travaille, appuyée par l’action collective, à changer le système brésilien. Son action est essentielle et impacte la vie de milliers de femmes brésiliennes, notamment afin de prévenir les nombreux féminicides au Brésil.
Pourquoi avez-vous décidé de vous engager pour les droits humains ?
J’ai décidé de m’engager pour la promotion des droits des femmes, car je souhaitais avoir une perspective plus globale que celle des thématiques liées aux territoires avec lesquelles j’avais débuté mon engagement. Le thème de la violence basée sur le genre me permettait d’avoir cette perspective, couvrant les violences physiques, psychologiques, financières et familiales. Cette violence systémique se retrouve dans tous les secteurs de la société (travail, études notamment) mais également les libertés accordées aux femmes. Contrairement à la pensée collective brésilienne, la violence basée sur le genre n’est pas cantonnée au domicile de ces femmes, mais elle est présente partout dans la société. Ces violences sont ignorées alors même que des féminicides auraient pu être évités si nous les avions écoutées. Ces manquements mettent en exergue la nécessité de créer des initiatives pour combattre ces situations. Il faut donc changer les perceptions gouvernementales et de la société, afin de changer le système. C’est un objectif difficile, mais très motivant selon moi.
Qu’attendez-vous de l’Initiative Marianne dans la consolidation de votre projet ?
Dans le cadre de mon organisation, nous proposons un répertoire d’actions et de solutions pour aider les victimes de violences basées sur le genre. Or, ces solutions peuvent devenir obsolètes ou inadaptées et nous sommes constamment amenés à questionner ces solutions. Ma participation à l’Initiative Marianne vise à questionner ce répertoire, notre travail et à envisager d’autres solutions. Avec l’Initiative Marianne, je souhaiterais créer un système de gouvernance démocratique qui donnerait à mon organisation un espace et des opportunités afin d’acquérir un nouveau répertoire d’actions.
L’Initiative offre également un espace d’échanges avec les autres lauréats et lauréates sur différentes thématiques et moyens d’actions. Cela m’amène à me questionner sur la faisabilité de certaines d’entre elles au Brésil. Ces liens humains sont cruciaux et offrent de nouvelles perspectives pour le développement de mon activité.
Aussi, l’accueil en France pendant six mois nous amène à envisager la possibilité pour Mapa de devenir une organisation reconnue par le système français en développant une nouvelle structure en France, ce qui serait très enrichissant.
Quelles sont les activités que vous avez trouvées les plus utiles depuis le début du programme ?
Des deux premiers mois du programme, je retiens tout particulièrement la visite de la Maison des Journalistes (MDJ). L’équipe de la MDJ accueille des personnes victimes de violence et en situation de vulnérabilité permettant de créer une communauté, ce qui diffère de mes activités avec Mapa. En effet, Mapa ne réalise pas d’accueil physique mais uniquement un accompagnement psychologique et juridique. Cette visite a été inspirante pour moi car elle m’a permis de voir la diversité et les perspectives d’une organisation sur la liberté de la presse, mon domaine d’action avant l’activisme que je mène aujourd’hui. Ce type de visites me permet de mettre en perspective le fonctionnement de ma propre organisation avec des organisations françaises travaillant sur des thématiques diverses, faisant écho aux nôtres. Cela me permet aussi de réaliser que nous ne sommes pas seuls à travailler sur les droits humains et qu’il existe un important réseau d’acteurs.
Qu’apportent les activités du programme de l’Initiative Marianne à votre engagement ?
Les activités du programme de l’Initiative Marianne m’apportent des connaissances fondamentales sur les nombreuses solutions existantes pour répondre aux problématiques auxquelles je fais face dans mon engagement. Grâce aux formations proposées, j’ai pu identifier des similitudes et différences entre organisations brésiliennes et françaises, notamment pour ce qui est de la gestion associative. Aussi, les rencontres réalisées dans le cadre du programme, comme avec l’Ambassadrice pour les droits de l’Homme, Delphine Borione et l’Ambassadrice et secrétaire générale du Forum Génération Egalité, Delphine O, me permettront de me constituer un important réseau.
Je pense que l’Initiative Marianne a beaucoup à apporter dans le domaine des droits humains et je souhaite en profiter au maximum.
De manière générale, pour Mapa do Acolhimento, le programme me permet de me rassurer sur la pertinence de nos décisions, notre connexion à la réalité du terrain et les possibilités de mener d’autres actions.
Qu’avez-vous prévu de faire après la fin du programme ?
Après le programme, je souhaite retourner au Brésil pour continuer mes activités. J’espère repartir avec de nouvelles références, contacts et informations acquises grâce à l’Initiative Marianne.
En quoi la Journée internationale pour les droits des femmes est une journée importante, selon vous ?
La Journée internationale pour les droits des femmes, comme les 16 Days of Activism against Gender-based Violence du mois de novembre, sont des évènements très importants. En effet, ils permettent de mettre en avant les sources des problèmes existants dans notre société, les raisons de notre activisme et les solutions existantes. Ce sont des grands rendez-vous internationaux permettant d’inspirer et d’insuffler de nouvelles dynamiques d’engagement.
En France, l’IVG vient d’être constitutionnalisée, cette Journée est donc l’occasion cette année de célébrer cette victoire. Dans de nombreux Etats, comme au Brésil, le droit à l’IVG reste très restreint et menacé.
Ces journées représentent des moments importants pour les activistes, leur permettant de se rassembler et de célébrer ces avancées.
Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?
Je souhaite vraiment féliciter la France pour l’inscription de l’IVG dans la Constitution !
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